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Benchmark International

Par Marie-Claude Pelletier, Groupe LEVIA, Canada

Au démarrage de ce livre blanc, nous avons voulu contextualiser nos travaux par un exercice d’observation sur ce qui se passe sur la scène internationale. Plusieurs initiatives et régions nous ont semblé particulièrement intéressantes et nous ont alimenté dans notre réflexion. Nous avons ainsi dégagé certaines tendances en lien avec la prévention et la e-santé, et nous vous proposons quelques exemples provenant d’Asie, d’Afrique du Sud, des pays nordiques, d’Amérique du nord, d’Australie et d’Europe. S’inspirant de ce qui existe ailleurs peut aussi nous faire gagner du temps.

La santé, de quoi parle-t-on?

Il importe d’abord de tabler sur la définition de la santé proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS): « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition nous amène donc à prendre en compte la santé dans ses multiples facettes, et surtout ne pas considérer l’individu en premier lieu comme un « patient » mais bien comme une personne, avec ses propres capacités, et dans son contexte de vie.

Le maintien de la santé, un enjeu pour tous

La plupart des pays industrialisés dans le monde font face à d’importantes croissances de taux d’obésité, de diabète, de maladies cardiovasculaires, de cancers et de problèmes de santé mentale, et ce, à tous âges.

On voit le terme « diabesity » apparaître de plus en plus dans la littérature internationale vulgarisée, témoignant du lien direct entre les problèmes d’obésité et de diabète, avec toutes les conséquences que cela comporte tout au long de la vie de l’individu.
Au début des années 2000 le Mexique a été l’un des premiers pays à faire face à un double problème d’obésité et de sous-nutrition. Il y a quelques années le réputé New England Journal of Medecine prédisait que si rien n’est fait, contrairement à ce que l’on entend dans les médias, pour la première fois de l’histoire de l’Humanité, l’espérance de vie allait commencer à diminuer : les nouveaux « jeunes » verraient ainsi leur espérance de vie inférieure à celle de leurs parents. On observe en effet que lorsqu’un pays se développe, on voit apparaître une classe moyenne qui dispose d’un revenu lui permettant d’améliorer son pouvoir d’achat et sa qualité de vie. En revanche, l apopulation augmente se consommation de sucre, de viande, de produits transformés, l’usage de voitures et de modes de vie plus sédentaires et les problèmes de stress apparaissent, réduisant ainsi la durée d’un maintien en santé et augmentant de manière importante le recours aux médicaments et aux services de santé. Aucune nation ne peut supporter cette pression sans cesse croissante sur leur système de soins de santé, mais aussi sur leur capacité de produire.

La Banque Morgan Stanley estime d’ailleurs qu’un pays où les taux de diabète et d’obésité sont élevés, voit sa croissance de PIB diminuée de 5 fois par rapport à un pays où les taux sont faibles.
Aussi, selon l’OMS, les problèmes de santé mentale constituaient en 2000 la 4ème cause du fardeau global des maladies dans le monde, et on en serait la 2ème cause dès 2020. Dans les pays industrialisés, on soupçonne déjà en être au 2ème rang. Les pays en développement n’y échappent pas non plus, au fur et à mesure où ils s’industrialisent.

D’un point de vue économique, on voit bien que les enjeux de santé préoccupent les pouvoirs économiques mondiaux. Le Forum Économique Mondial et l’OMS ont conclu une entente afin de créer une alliance pour identifier des solutions sur le sujet.
On voit aussi des changements de paradigmes survenir au sein d’institutions œuvrant plus spécifiquement dans le milieu de travail, passant d’une vision de gestion des risques à une approche plus préventive et holistique. Le Bureau International du Travail (BIT), l’OMS, l’OSHA, The Work Foundation de la Lancaster University, plusieurs organisations internationales et nationales reliées au monde de l’entreprise intègrent des mesures de prévention au travail. On reconnaît que « Good health is also good business ». Le terrain est donc propice à l’émergence de solutions novatrices. Le Danemark et l’Autriche ont revu leur loi et code du travail, les inspecteurs du travail au Danemark, en Slovénie, en Espagne et au Portugal pour ne nommer que ceux-là, sont maintenant formés à agir davantage en prévention. La Suède et l’Irlande ont développé des outils pour mesurer les impacts des initiatives. Le CDC américain et la NIOSH travaillent ensemble dans une approche de « Total Worker » combinant la santé et la sécurité du travail, mais aussi la prévention et la promotion de la santé en milieu de travail. En Suisse, le gouvernement et les assureurs ont formé un consortium afin de promouvoir la santé par le financement et la création d’un organisme à but non lucratif voué à la mise sur pied d’initiatives nationales visant la promotion de la santé pour la population en général mais aussi pour le milieu de travail.

Maintenant pourquoi parler de prévention? Eh bien parce que c’est payant, tant humainement qu’économiquement

La bonne nouvelle, c’est que les trois-quarts des facteurs de risque à la santé énumérés précédemment sont évitables. On peut donc agir d’une part pour en diminuer les impacts, mais aussi idéalement en amont, afin d’éviter que les problèmes ne surviennent. C’est là qu’il devient intéressant de définir la notion de prévention.

On identifie 3 niveaux de prévention :

  • La prévention primaire consiste à promouvoir la santé afin d’éviter l’apparition de facteurs de risque et de maladie dans la vie des gens.
    La prévention secondaire quant à elle vise à diminuer les effets de facteurs de risque et maladies déjà présents, tels que l’obésité, le tabagisme, le stress ou le diabète.
    La prévention tertiaire a pour objectif de diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives, et donc de réduire les complications, invalidités ou rechutes consécutives à la maladie.

Certains identifient même un quatrième niveau de prévention, en avançant qu’il faut gérer les conséquences occasionnées par la prise de médication.

Pour avoir le plus d’impact possible sur la population, l’OMS recommande d’agir non seulement sur la prévention secondaire et tertiaire, mais surtout sur la prévention primaire, i.e. la promotion de la santé. Or la promotion de la santé s’adresse, par opposition aux autres niveaux, à toute la population, afin de maintenir la santé et éviter l’apparition des habitudes de vie dommageables pour la santé.

OMS 2003

Au Canada, nous utilisons de plus en plus la notion de continuum de la santé dans les stratégies de prévention, plus particulièrement en milieu de travail. On fait référence au fait qu’il faut non seulement gérer les absences/invalidités du travail mais aussi mieux gérer le retour au travail après une absence pour maladie afin d’éviter les récidives, mais surtout promouvoir la santé auprès des travailleurs afin qu’ils maintiennent un état de santé optimal ou atténuent les impacts de facteurs de risque lorsque présents. On peut penser appliquer ce même continuum de la santé, à tous âges de la vie

Continuum de la santé

Mobiliser l’ensemble des individus à l’égard de leur santé nécessite le recours à différentes stratégies, et surtout, l’implication de plusieurs « acteurs » contribuant à la santé. Ceux-ci peuvent utiliser le digital pour concrétiser leurs stratégies.
Pour mieux saisir cet écosystème, regardons quels sont les déterminants de la santé et les « acteurs » qui y contribuent.

On en comprend que notre santé est déterminée (1) par le contexte sociétal dans lequel on évolue, (2) par notre environnement quotidien de travail, d’école ou autre, et (3) par nos propres comportements individuels.
Dans une approche de prévention, plusieurs acteurs doivent être mobilisés.

1- Sur le plan sociétal, on visera à mettre en place un contexte favorable à la santé, en s’inspirant des stades de la pyramide des besoins de Maslow. On peut par exemple :
Contribuer à un environnement sécuritaire;

Favoriser un revenu décent et stable;

Faciliter l’accès à un système de santé, non corrompu, abordable et de qualité;

Prévoir des mécanismes de remplacement du revenu en cas de maladie, des assurances afin de couvrir les frais de soins et de médicaments;

Mettre en place des politiques publiques d’environnement favorisant l’adoption et le maintien de bonnes habitudes de vie, comme des environnements de travail contribuant à la santé et des écoles intégrant la santé dans leur cursus de formation et de règlement de vie.

Les gouvernements sont ici les principaux acteurs de ce « contexte favorable à la santé ».

À titre d’exemples :
Une initiative municipale ciblant les séniors dans la partie nord de la ville de Taipei à Taïwan visait à rendre l’environnement plus propice pour la marche active. Les trottoirs ont été réaménagés, des bornes colorées ont été installées afin de servir de repère au besoin. On pourrait penser qu’un objet connecté avec géolocalisation permettrait de sécuriser la personne et l’équipe de surveillance en cas de problème.

À Copenhague au Danemark, les taxes sur l’achat de voitures ont été augmentées de 185%. Aujourd’hui, 63% de la population de la ville centre fait du transport actif pour aller travailler. Les niveaux de santé se sont améliorés de 50% sur la même période.

En Suède, le gouvernement impose un frais de 20$ pour chaque consultation d’un médecin et 40$ pour la consultation d’un spécialiste, constituant ainsi un incitatif à ce que chacun prenne sa santé en main.

À Stockholm, 40% de la population se rend au travail en vélo.

Au Québec, le gouvernement vient de lancer à l’automne dernier une politique gouvernementale mobilisant des initiatives de 14 ministères afin que chacun inclue dans ses plans et politiques, des mesures visant à préserver et promouvoir la santé et diminuer les inégalités sociales de santé. Des mesures utilisant le digital seront déployées.

Le gouvernement britannique vient de lancer au printemps un nouvelle politique afin d’adresser les enjeux de santé mentale.

L’Australie vient d’emboîter le pas en adoptant le 4 août dernier sa « Stratégie Nationale de santé numérique» proposant 4 tactiques orientées sur l’individu (customer centric solutions) et le développement de ses propres capacités (notion d’empowerment), ainsi que des liens avec les professionnels de la santé. Dans cette optique, le gouvernement a déjà créé des dossiers patients pour 20% de sa population. Celui-ci entend compléter les dossiers patients pour l’ensemble de la population d’ici 2018 et proposera de manifester son désir d’être retiré de la base de données. Cette stratégie d’opt-out plutôt que d’opt-in permet d’envisager les plus hauts taux de participation au monde dès 2018 avec 98% de la population qui aura son dossier personnel et accessible aux professionnels de la santé et individus.

Le Danemark quant à lui a orchestré une profonde transformation de son système de santé d’une part en centralisant l’infrastructure, mais d’autre part, en décentralisant aux municipalités la gestion des soins et l’imputabilité financière. Misant sur la transparence, la qualité, la mesure des impacts et la création d’un réseau et d’une banque de données fiables et centralisées avec des dossiers patients, le Danemark trace la voie. Ces initiatives constituent un formidable tremplin à toute partie prenante désireuse de connecter les données, les gens, les lieux, les informations dans un objectif de prévention.

2- Sur le plan de l’environnement quotidien, on peut penser au milieu scolaire pour les jeunes, de travail pour les adultes, et de milieu de vie privé ou institutionnel pour les séniors. Considérant que nous passons la moitié de notre vie éveillée soit à l’école ou au travail, et que les milieux de vie sont des environnements plutôt captifs où il est facile de rejoindre les individus et d’influencer leur santé et leurs comportements, ceux-ci peuvent avoir une grande influence sur les stratégies de prévention.

Environnement de travail
La couverture du risque associé à la maladie (prolongement du salaire en cas d’invalidité, frais de médicaments et d’hospitalisation ou de consommation de soins divers de santé) varie d’un pays à l’autre. Ainsi, les employeurs seront plus ou moins interpellés dans les stratégies destinées à favoriser la santé de leurs employés. Plus l’employeur assume ces frais, plus il sera motivé à investir puisqu’il en subit les conséquences et en retirera des bénéfices s’il agit. Révision de l’organisation du travail, ajustement des pratiques de management, outils de soutien, stratégies visant la santé physique ou psychologique, modification de l’environnement physique de travail ou des aires de vie, campagnes de promotion de la santé sont autant de manières d’agir en milieux de travail. On a récemment vu apparaître des plateformes intégratives de services, des challenges supportés par des outils digitaux, des outils individuels de diagnostic, la création de bases de données permettant d’appliquer des modèles prédictifs visant à anticiper les coûts et problèmes afin de justifier les stratégies. L’Amérique du nord est particulièrement avancée sur le sujet.

La Clinique Mayo aux États-Unis propose aux employeurs d’offrir à leurs employés un portail complètement personnalisé et évolutif selon le profil santé du salarié. Ainsi, un individu présentant des facteurs de risque à sa santé physique comme le tabagisme et la sédentarité, se verra présenter un portail contenant des informations, conseils, outils et services différents d’un salarié présentant plutôt des problèmes de sommeil ou de stress. Cet outil requiert la collecte d’informations personnalisées, des mesures de dépistage, des algorithmes de traitement de l’information. Ce genre de solution, offert par l’assureur, peut également proposer des modèles prédictifs, basés sur les facteurs de risque des travailleurs, et estimer les impacts des mesures déployées, ou à l’inverse, les impacts de l’inaction.

La Chunghwa Telecommunications Company à Taïwan, afin de compléter les nombreuses initiatives mises en place pour favoriser la santé physique, la bonne nutrition et la gestion du stress, l’entreprise a mis à disposition de ses salariés une carte qu’ils peuvent passer dans un lecteur optique à chaque fois qu’ils prennent les escaliers au lieu des ascenseurs. Cela leur permet d’accumuler des points qui peuvent être échangés contre des cartes d’appels prépayées. Les employées qui le veulent peuvent aussi participer à un programme de e-health management avec lequel ils peuvent notamment suivre leur pression sanguine, niveau de cholestérol, poids et BMI.

Le programme sud-africain Vitality permet à ses adhérents de mesurer, à l’aide de montres intelligentes, certains indicateurs de leur santé ainsi que leurs habitudes de vie. Avec des pratiques et mesures positives, l’individu peut recevoir un rabais de prime. Ce programme est notamment déployé avec l’assureur John Hancock aux US et Générali en Allemagne.

Au Canada, les entreprises ont été incitées, guidées et outillées avec le développement et la diffusion de 3 normes. De nombreuses déploient des stratégies variées visant la prévention de la maladie et la promotion de la santé. On parle ici de la norme Santé et Sécurité psychologique au travail, de la norme Conciliation travail-famille et de la norme Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail. On voit apparaître des plates-forme intégrées de services, des évaluations de santé, conseils sous forme de coaching virtuel, des outils connectés à des plate-forme proposant des challenges, pour ne nommer que ceux-là.

En 2006, Telus Canada décidait d’implanter une stratégie de télétravail dont les impacts ont été mesurés et sont positifs. Pour y arriver, l’organisation a développé une série de dispositifs mobiles et d’outils virtuels de collaboration afin de faciliter la productivité partout et en tout temps, et briser l’isolement des collaborateurs.

Le Danemark est bien reconnu pour son programme national de retour au travail. Cette initiative lui vaut d’ailleurs d’être bon premier depuis 6 ans au classement mondial des pays ayant les meilleurs plans de pension. Son plan de retour au travail, piloté par les municipalités, comporte 3 volets : 1) une évaluation interdisciplinaire des obstacles et ressources pour retourner au travail, 2) une meilleure coordination entre le travailleur, l’employeur, l’assurance sociale, le système de santé, ainsi que 3) l’organisation très rapide des activités de retour au travail (conseils, éducation, formation au travail, etc.). La compagnie danoise PenSam a d’ailleurs été l’une des précurseurs sur le sujet en ayant notamment mis en place cette approche à 3 volets et son “digital electronic doctor” pour tous ses clients, contribuant à diminuer de 45% à 33% le risque de retraite anticipée pour des raisons de santé.

En Australie, la compagnie BORAL a déployé un programme complet de prévention et de santé auprès de ses 10 00 employés situés dans toutes les régions du pays. Avec des résultats très significatifs, son programme BWell est reconnu internationalement. On peut facilement penser qu’avec un tel volume d’employés et la disparité régionale requièrent une plate-forme web et des outils digitaux variés.

 

Milieu scolaire
Dans la même optique que le milieu de travail, le milieu scolaire constitue un environnement privilégié pour favoriser l’adoption de connaissances et d’une bonne hygiène de vie. Encore là, plusieurs « acteurs » doivent être mobilisés, formés, animés, etc. Les professeurs, la direction d’école, les comités de parents et bien sûr les élèves. L’utilisation de plateformes sur médias sociaux, de jeux ou de quizz en ligne, des challenges sportifs, etc. sont autant de dérivés technologiques qui peuvent être déployés. Attention cependant de ne pas créer d’effets pervers par la dépendance à ces derniers, qui serait totalement contre-productif à l’égard des objectifs de prévention et de santé.

Le Trottibus, lancé en Australie, consiste à tracer un chemin qu’un petit groupe de jeunes empruntera, guidés par un adulte, pour se rendre à l’école à pied plutôt qu’en autobus, favorisant ainsi le transport actif. On pourrait ici imaginer une application soutenant cette initiative pour planifier les déplacements, les accompagnateurs, la cédule des déplacements et des jeunes, des conseils sur la marche, ajouter des bornes éducatives virtuelles, etc.

Le Grand Défi Pierre Lavoie au Québec mobilise des milliers de jeunes dans les écoles à marcher et faire du vélo pour amasser des « cubes d’énergie » qui leur vaudront, dans le cadre d’une compétition amicale entre écoles, de gagner un voyage éducatif avec leur école. Une plateforme web destinée aux jeunes, parents et professeurs, contient des outils, témoignages, information utiles, concours, etc. On pourrait facilement imaginer l’ajout d’objet connecté pendant la course, de mise en réseau des écoles, d’outils d’évaluation et de e-coaching pour les jeunes et leurs parents.

 

Milieu de vie pour séniors : privé, communautaire ou institutionnel
Il est reconnu que plus longtemps la personne âgée reste à son domicile, meilleure est sa santé physique, psychologique et sociale, en autant que certaines conditions soient respectées. Le rôle des aidants naturels est ici primordial car favorisant le maintien à domicile. Avec l’accroissement rapide de la pyramide des âges dans de nombreux pays et la désinstitutionalisation de certains services, le défi du vieillissement nécessite d’innover dans le soutien à apporter aux personnes vieillissantes et leur entourage. Sans pour autant déshumaniser l’accompagnement, il importe de trouver des manières technologiques de prévenir les problèmes et d’accompagner les individus dans leurs besoins divers et variés.

Au Japon, le modèle Hans Kaï constitue une approche communautaire de proximité intéressante où un groupe de 50 individus est formé et apte à effectuer des suivis de facteurs de risque des uns auprès des autres, incluant les personnes plus âgées. On pourrait envisager ajouter à cela des outils électroniques de suivis et des professionnels mis en réseau pour compléter la boucle dépistage-traitement–suivi et maximiser les impacts d’un tel modèle.

Le portail australien « My Aged Care » destiné aux séniors et aidants, procure du soutien afin de trouver la bonne information, la bonne ressource dans sa localité (service d’entretien, accompagnement, soins, services quotidiens de repas, etc.) ou encore d’aide et de soutien pour les aidants. De nombreuses initiatives de e-santé sont déployées en Australie pour connecter les gens, les milieux et les communautés avec la santé. Mais l’absence de base de données et de gouvernance centralisée comme le fait le Danemark pourrait rendre leur efficacité plus limitée à court terme, tant que la récente stratégie nationale de e-santé n’aura pas été matérialisée.

Les municipalités peuvent également être de grands contributeurs de la prévention. À l’automne 2017, près de 150 municipalités de partout dans le monde ont conclu un pacte à Shanghai afin de contribuer à la santé de manière durable. Le numérique devrait y jouer une place importante.

 

3- Sur le plan individuel
En santé, et surtout en prévention, la responsabilité individuelle est clé. On aura beau disposer d’environnements favorisant la santé, d’outils variés et de ressources de soutien, si l’individu n’est pas « engagé » envers sa santé, rien n’arrivera. L’ »empowerment » individuel prend toute son importance. Outre des besoins qui varieront en fonction des stades de la vie (jeunes, adultes, séniors), il importe de prendre en considération différents stades de changement de comportement à l’égard de sa santé. Ainsi, on pourra développer des stratégies et outils qui répondront de manière spécifique à chacun de ces stades, assumant logiquement que chaque personne n’est pas nécessairement au même stade.

• Stade 1 : l’individu n’est pas conscient des enjeux (ex. les conséquences de fumer). L’objectif sera alors de sensibiliser et d’éveiller sur les enjeux par des outils qui rejoindront l’individu là où il se trouve, avec des arguments le concernant. Les campagnes de sensibilisation facilitent ce premier objectif.

• Stade 2 : l’individu est conscient mais n’a pas pris la décision d’agir sur sa santé. Il sera par contre à la recherche d’information. Des plateformes d’informations, des outils d’autoévaluation et des applications permettant de connaître et dépister ses facteurs de risque seront alors utiles.

• Stade 3 : L’individu a pris sa décision et se prépare. Il sera alors demandeur d’outils, cherchera à se réseauter avec d’autres, aura besoin de ressources pour l’accompagner dans le passage éventuel à l’action.

• Stade 4 : L’individu passe à l’action (il cesse de fumer). Il recherche alors les applications ou outils facilement disponible lorsqu’il en a besoin, une communauté virtuelle d’entraide, des gratifications régulières, etc.

• Stade 5 : L’individu doit maintenir le changement de comportement effectué. Il a besoin de valorisation, de se rappeler les raisons de son changement, d’être en communauté, d’obtenir des gratifications régulières.

Pour passer d’un stade à l’autre et susciter réellement un changement de comportement, l’information seule ne suffit pas.
Les objets connectés, outils digitaux d’accompagnement, plateformes virtuelles ont avantage à être adaptés à ces stades pour mieux répondre aux besoins individuels et maximiser les chances de réussite.
Aussi, devant la multitude d’applications qui voient le jour en santé, des fournisseurs qui intégreront dès le départ des stratégies de mesures d’impacts rigoureuses et scientifiques auront l’avantage d’être crédibles dans leur marketing, mais surtout d’être efficaces.

Sur le plan de la médication plus spécifiquement, avec les médicaments biologiques, les biosimilaires et les médicaments d’exception, la formation et l’accompagnement des individus est encore plus importante pour obtenir les effets désirés, d’où la pertinence d’accompagner l’individu (idéalement à peu de frais) avec des plateformes « user-friendly » dans les différentes phases et de le mettre en réseau virtuel avec son équipe soignante.
L’offre numérique de prévention peut également contribuer au développement de la littératie santé, essentielle à la prévention, auprès des populations moins éduquées ou plus défavorisées, notamment par la complicité que permet le téléphone portable. Les taux de pénétration du portable sont très élevés, même auprès de ces clientèles, constituant une plateforme de lien avec ces groupes avec des applications comportant des messages simples, clairs, réguliers, favorisant la prise en charge de sa santé. CISCO prévoit qu’en 2020 la moyenne sera de 6,58 objets connectés par personne représentant près de 50 milliards d’objets connectés dans le monde. La plupart des populations seront ainsi connectées.

La grande campagne mondiale de cessation tabagique Quit and Win parrainée par l’OMS et déployée dans plus d’une centaine de pays a été adaptée sous forme de challenge au Québec avec des plateformes d’information populationnelle, des outils d’aide et applications mobiles afin d’accompagner les fumeurs qui veulent cesser de fumer, dans toutes les étapes de leur sevrage tabagique.

La collecte des données étant clé pour l’identification des stratégies individuelles à proposer, on voit de plus en plus d’entreprises avoir recours aux incitatifs encourageant les employés à compléter des questionnaires diagnostic (HRA – Health Risk Assessment). Aux États-Unis, le nombre d’entreprises ayant offert des incitatifs à la participation des salariés est passé de 30% en 2009 à 80% en 2012. Outre des incitatifs traditionnels, ceux-ci sont de plus en plus virtuels et connectés.

Dans le domaine du cancer, plusieurs projets utilisent la technologie afin de fournir un soutien psychosocial aux personnes atteintes, leur permettant de connecter les gens et ainsi de briser l’isolement dans une période vulnérable.

La Fondation Lucie et André Chagnon, la plus grande fondation privée au Canada, a initié depuis quelques années une grande campagne (naitreetgrandir.com) visant la santé des tout-petits Elle, fait la promotion des comportements clés à adopter par les parents pour favoriser un développement optimal des petits avant leur entrée à l’école, condition essentielle à leur réussite scolaire et de là, à leur santé. Une plate-forme web propose des contenus numériques (vidéos, infolettre, capsules, quizz, témoignages, etc.) pour chaque tranche d’âge du tout-petit, de la naissance à son entrée scolaire.

Epsylio, une initiative québécoise dans le domaine de la santé mentale propose aux individus d’avoir recours de manière virtuelle et anonyme, à toute une série d’information et d’outils permettant d’aborder doucement les problèmes de santé mentale. Cet outil mutli-plateforme est complété par la technologie ISA. Un historique d’utilisation est conservé pour chaque usager et ISA propose un cheminement logique dès que l’usager revient sur la plate-forme. En utilisant le service, l’usager peut éventuellement avoir recours à une aide humaine de soutien lorsqu’il se sent prêt à avoir cette conversation.

En conclusion

Tous les pays sont confrontés, à des niveaux différents, à des enjeux de santé et de prévention. Personne n’y échappe. Mais avec la démocratisation et la personnalisation des solutions, les nanotechnologies, la génomique, le big data, la digitalisation des outils, tout cela, combiné à la volonté croissante des individus d’être informés, de se mesurer (quantified-self), et d’agir, les possibilités de développements technologiques au service de l’humain sont extraordinaires.
En revanche, la complexité reliée au fait d’influencer les comportements de façon durable, nécessite le décloisonnement des acteurs et des solutions dans une approche concertée, cohérente, et en lien aussi avec l’environnement de vie. Le milieu de la recherche aura aussi avantage à être mobilisé car de nombreuses applications voient le jour sans toutefois générer de réels impacts, n’ayant pu assez faciliter le changement ou conserver et renouveler la motivation et la plus-value pour l’usager dans le temps.

Ainsi, les solutions digitales en BtoB (Business to Business) doivent venir compléter celles développées en BtoC (Business to Consumer) et celles en CtoC (Consumer to Consumer).
Le rôle de l’assureur, qu’il soit public ou privé, est primordial et doit tracer la voie. Et en fait, chacun des acteurs, quel qu’il soit, doit sortir de sa zone de confort pour innover et explorer de nouvelles avenues, et au passage, se donner le droit à l’erreur.

 

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